Brooklyn de Colm Tóibín chez Robert Laffont, collection Pavillons

Voilà une lecture  qui se révèle au fur et à mesure et dont toute l'intelligence nous apparaît dans ce moment si particulier où nous fermons le livre et prenons quelques minutes pour lui dire adieu comme s'il nous fallait ces quelques secondes pour faire le deuil des destins que nous venons de suivre durant quelques heures ou quelques jours...

Eilis, toute jeune femme irlandaise vivant avec sa soeur chérie Rose et sa mère veuve, se voit quitter sa terre natale pour Brooklyn où l'attend un poste de vendeuse, une logeuse et des études de comptabilité... Tout cet avenir que l'on a modelé pour elle de l'autre côté de l'Atlantique la transforme en un américaine modèle sans même qu'elle prenne conscience que son destin lui échappe... Malgré cette vie réglée d'avance par d'autres qu'elle, ses sentiments se font multiples, entre désespoir, mal du pays, amour et doute... Tout donne à penser que sa vie se déroule sans qu'elle n'y agisse vraiment, elle se laisse simplement porter par le rêve américain que d'autres ont pour elle. Jusqu'au jour où un drame la contraint à renter dans cette Irlande qui la voit encore comme une enfant... Elle y découvre la liberté et l'insouciance, mais aussi le devoir de choisir... et de retourner à la place qu'on lui a assigné : celle d'une figurante de sa propre vie. 

Même si ce roman a besoin de temps pour commencer, et même s'il peut paraitre sans originalité apparente, la psychologie du personnage d'Eilis, qui peut paraitre bien insupportable à certains égards, nous pousse à tourner les pages et à découvrir la métamorphose de cette jeune fille en femme. La plume de Colm Tóibín y est juste et sans fioriture pour parfaitement coller à l'ombre de destin de cette jeune femme perdue dans un pays trop grand pour elle...

Une lecture très attachante et empreinte de nostalgie... (D'ou le nombre de points de suspention !^^)